Au lendemain de la prise de contrôle annoncée par les forces armées, la Guinée-Bissau s’est dotée d’un nouveau dirigeant militaire. Le général Horta N’Tam, jusque-là chef d’état-major de l’armée de terre, a été officiellement investi ce jeudi 27 novembre comme président de la transition et chef du Haut commandement militaire, pour une durée annoncée d’un an.

La cérémonie s’est tenue au siège de l’état-major, à Bissau, dans un contexte de sécurité renforcée. Selon les informations communiquées lors d’une conférence de presse, des dizaines de militaires lourdement armés ont été déployés aux abords du bâtiment, témoignant de la sensibilité de la situation et de la volonté des nouveaux dirigeants de consolider leur contrôle.

Le général Horta N’Tam, chef d’état-major de l’armée de Terre, a été investi nouvel homme fort de Guinée-Bissau et président d’une transition censée durer un an, ont annoncé jeudi à Bissau les militaires qui ont renversé la veille le président sortant et suspendu les élections en cours.

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La capitale était jeudi après-midi à l’arrêt avec les magasins, boutiques, marchés pour la plupart fermés, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Une forte présence des forces de l’ordre était visible dans les rues de Bissau quasi désertées par la population et sous étroite surveillance. Des militaires en faction quadrillent toute la zone autour du palais présidentiel, où des tirs nourris avaient créé la panique parmi la population à la mi-journée la veille, au déclenchement du putsch.

La Guinée-Bissau, pays côtier d’Afrique de l’Ouest, situé entre le Sénégal et la Guinée (Conakry), a déjà connu quatre coups d’État et une kyrielle de tentatives de putsch depuis son indépendance en 1974. La proclamation des résultats électoraux a ainsi souvent donné lieu à des mouvements de contestation dans ce pays.

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« Je viens d’être investi pour assurer la direction du Haut commandement » pour la restauration de l’ordre, a déclaré jeudi le général Horta N’Tam, après avoir prêté serment lors d’une courte cérémonie au siège de l’état-major, où la sécurité a été fortement renforcée, ont constaté des journalistes de l’AFP.

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Jusqu’ici chef d’état-major de l’armée de Terre du pays, le général N’Tam est considéré à ce titre comme ayant été proche ces dernières années du président sortant Umaro Sissoco Embalo, qui a été renversé et est détenu depuis mercredi par les militaires.

« Période difficile »

« La Guinée-Bissau traverse une période très difficile de son histoire. Les mesures qui s’imposent sont urgentes et importantes et requièrent la participation de tout le monde », a déclaré le général, devant des dizaines de militaires lourdement armés déployés pour l’occasion.

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Mercredi, les auteurs du putsch avaient expliqué avoir été « poussés à le faire » pour garantir la « sécurité au niveau national et rétablir l’ordre », évoquant la découverte par les « renseignements généraux » d’un « plan visant à déstabiliser le pays avec l’implication des barons nationaux de la drogue ».

Signe d’une certaine stabilité malgré le coup d’État, les militaires ont annoncé la réouverture de « toutes les frontières », fermées depuis mercredi après-midi.

Pays très pauvre de 2,2 millions d’habitants, un peu plus grand que la Belgique, la Guinée-Bissau est affectée par des problèmes de corruption et est réputée être une plaque tournante du trafic de drogue entre l’Amérique du Sud et l’Europe.

Plusieurs analystes interrogés par l’AFP et des représentants de la diaspora émettent des doutes sur le scénario présenté par les auteurs du coup d’État, soulignant que l’arrêt du processus électoral profite au camp Embalo alors que le candidat de l’opposition à la présidentielle tenue dimanche, Fernando Dias, avait dès mardi revendiqué une large victoire.

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Zones d’ombre

« Je doute de la véracité des allégations qui sont mises de l’avant par le Haut commandement militaire pour la Restauration de l’ordre », a affirmé jeudi à l’AFP un chercheur ouest-africain.

Ce coup d’État est survenu la veille de l’annonce prévue des résultats provisoires des élections présidentielle et législatives du 23 novembre. Le camp du président Embalo et celui de Fernando Dias revendiquaient tous deux la victoire.

« C’est un coup d’État qui vise à empêcher la prise de pouvoir par le candidat de l’opposition » Fernando Dias, estime ce chercheur. Selon lui, « c’est le scénario idéal pour M. Embalo qui pourrait suite à des négociations être libéré et éventuellement se repositionner pour les prochaines élections ».

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L’Union africaine (UA) a condamné jeudi « sans équivoque » le coup d’État et demandé la remise en liberté « immédiate et inconditionnelle » du président Embalo.

Le principal opposant bissau-guinéen Domingos Simoes Pereira — dirigeant du puissant PAIGC, parti historique ayant mené la Guinée-Bissau à l’indépendance — qui avait été écarté de la présidentielle de dimanche a été lui aussi arrêté mercredi, selon des proches et un collaborateur.

Le sort de M. Dias restait inconnu jeudi.

Le Portugal a à nouveau exhorté jeudi au retour « à la normalité constitutionnelle », appelant les « autorités militaires qui détiennent de fait le contrôle de la situation politique et sociale » à « agir en vue de rendre le pouvoir aux institutions ».

La précédente présidentielle, en 2019, avait débouché sur plusieurs mois de crise postélectorale, M. Embalo et son adversaire M. Pereira revendiquant tous deux la victoire.