Par Jean-Luc Kienge
Selon plusieurs sources diplomatiques et financières, la République démocratique du Congo aurait procédé à l’acquisition d’un building évalué à près de 30 millions de dollars à Manhattan, en face du siège des Nations unies. L’achat aurait été conclu au Qatar, dans un contexte de tensions économiques, de besoins sociaux massifs et de pressions budgétaires internes.
Cette information, encore entourée d’interrogations, suscite déjà un débat national légitime :
Était-il judicieux pour le gouvernement congolais d’investir 30 millions de dollars dans un bien immobilier à New York, en ce moment précis ?
Un investissement stratégique… ou un luxe incompris ?
D’un côté, certains observateurs estiment qu’acquérir un immeuble face aux Nations unies pourrait représenter une opportunité stratégique :
- amélioration de la visibilité diplomatique,
- installation permanente et prestigieuse de la mission congolaise,
- renforcement de la présence internationale du pays.
Dans cette lecture, la RDC chercherait à s’inscrire durablement dans les cercles diplomatiques mondiaux, à l’image des grandes puissances africaines.
Mais pour beaucoup de Congolais, l’heure n’est pas au prestige.
Le pays traverse une période où chaque dollar compte, et où les investissements devraient prioritairement viser le bien-être interne, la reconstruction et la stabilisation.
Que pouvait faire la RDC avec 30 millions de dollars ?
Pour une nation dont les besoins humanitaires et infrastructurels sont immenses, 30 millions de dollars représentent un levier de développement considérable. Avec un tel montant, l’État aurait pu financer :
1. Une université moderne
Une université régionale complète — amphithéâtres, laboratoires, bibliothèques — avec la capacité d’accueillir des milliers d’étudiants.
2. Un hôpital de référence
Un hôpital doté d’équipements modernes, capable de réduire les évacuations médicales à l’étranger.
3. Des routes prioritaires
Plusieurs dizaines de kilomètres de routes asphaltées, essentielles pour désenclaver des provinces.
4. Des centres de santé communautaires
Au moins 20 centres de santé ruraux entièrement équipés.
5. Un petit aéroport provincial
Un aéroport modernisé pour dynamiser le transport intérieur.
6. Des infrastructures portuaires
Un port fluvial rénové, vital pour le commerce intérieur.
À l’heure où l’Est du pays souffre, où des millions de Congolais vivent sans eau potable, sans électricité, sans routes, sans écoles, chaque investissement à l’étranger est scruté avec suspicion.
Une question de vision
Ce possible achat à Manhattan met surtout en lumière un problème plus profond :
la gestion des priorités nationales.
La RDC manque cruellement d’une vision globale de développement, d’une stratégie cohérente et transparente pour l’utilisation des ressources publiques.
Investir 30 millions à l’étranger, avant de consolider les infrastructures internes, risque d’alimenter la critique :
prestige avant progrès, diplomatie avant développement.
Conclusion : le débat est ouvert
L’achat d’un building à Manhattan n’est pas en soi un scandale — de nombreuses nations disposent de biens immobiliers à l’étranger pour leurs missions diplomatiques.
Mais dans le contexte actuel de la RDC, marqué par :
- une pauvreté endémique,
- des besoins sociaux urgents,
- une instabilité sécuritaire,
- une gouvernance souvent contestée,
la priorité de cet investissement interroge, choque, et divise.
La question centrale reste :