
Par Jean-Luc Kienge et le C.I.C (le Centre d’Intelligence Congolais.com)
Le retour de Joseph Kabila à Goma, dans l’Est de la République Démocratique du Congo, n’est pas anodin. Dans un contexte de profonde désillusion nationale, marqué par l’instabilité sécuritaire chronique, le pillage des ressources, la montée d’un tribalisme politique exacerbé, et l’autoritarisme grandissant sous le régime de Félix Tshisekedi, la réapparition de l’ancien président congolais prend une dimension presque messianique pour une partie de la population congolaise.
Depuis plusieurs mois, la colère gronde dans toutes les couches sociales du pays. Le régime actuel est de plus en plus accusé d’incompétence face aux défis majeurs que traverse la RDC. Les populations de l’Est, épicentre des conflits armés et des convoitises minières internationales, se sentent abandonnées par Kinshasa. À cela s’ajoute un sentiment de trahison nationale alimenté par des scandales de pillage systématique des richesses du pays, où la famille biologique du président Tshisekedi, notamment les Nyakeru, et des réseaux obscurs à Bruxelles sont fréquemment pointés du doigt.
Dans cette atmosphère délétère, Joseph Kabila, malgré les critiques historiques sur sa propre gouvernance, apparaît aujourd’hui pour beaucoup comme l’ultime recours, le “moindre mal”, voire le sauveur providentiel. Sous son règne, bien que perfectible, le Congo avait maintenu une forme de stabilité relative, et certains avancent que la souveraineté nationale semblait mieux préservée face aux appétits extérieurs et aux manipulations géopolitiques.
Le choix de Goma pour sa réapparition est aussi hautement symbolique. Ville stratégique, meurtrie par des décennies de guerre et d’occupation rebelle, Goma est devenue le baromètre du désespoir national. Le simple fait que Kabila s’y rende en personne est perçu comme un geste fort, une déclaration silencieuse mais puissante adressée à la fois à la population locale et à l’élite de Kinshasa. Il s’agit d’une reconquête politique et d’un message implicite à ceux qui pensaient avoir définitivement écarté le clan Kabila de l’arène nationale.
Mais ce retour suscite aussi des interrogations. Est-ce le prélude à un véritable come-back politique de Joseph Kabila ? Prépare-t-il une coalition d’opposition pour les échéances électorales à venir, ou cherche-t-il à incarner un pôle de résistance face à ce que d’aucuns qualifient désormais de “dictature Tshisekedi” ? La question reste ouverte, mais une chose est certaine : son retour galvanise une base populaire déçue, qui voit en lui non seulement un symbole de résistance, mais aussi l’espoir d’une libération nationale face aux dérives actuelles.
Pour le peuple congolais meurtri, fatigué par les promesses non tenues et les illusions perdues, Joseph Kabila représente aujourd’hui l’image d’un recours contre un régime en pleine déliquescence. Face au tribalisme d’État, aux scandales de corruption à grande échelle, et aux compromissions avec certaines mafias internationales, l’ancien président incarne, paradoxalement, la stabilité que beaucoup réclament avec ferveur.